Œuvres présentées par Mireille Calle-Gruber
Prix : 20 euros
Gastone Novelli (1925-1968) à peine passé son baccalauréat de lettres classiques, milite dans le réseau de Résistance de Saverio Arcurio, il est arrêté par les Allemands, à Rome, en octobre 1943. Torturé et condamné à mort avec ses camarades qui furent tous fusillés, il s’évade à la faveur de la libération de Rome. Dès 1948, il part au Brésil, à Sao Paolo, où il peint des compositions graphiques minimales.
Il voyage en Amazonie, réside chez les Indiens et étudie leur langue dont il établit un dictionnaire. De retour, il s’installe à Rome en 1955. Il peint sur de grandes toiles des échiquiers aux tracés tordus où dessin et écriture se confrontent au néant mais aussi à la magie des signes et des matières. Dans le sillage dadaïste et des théories de Klee, il devient l’une des figures de l’avant-garde italienne.
Claude Simon rencontre Novelli à Paris en 1961, lors d’une exposition du peintre à la Galerie Le Fleuve. La complicité entre eux est immédiate, l’amitié durable. Claude Simon écrit « Novelli ou le problème du langage » pour le catalogue de l’exposition du peintre à New York qui se tient à la Alan Gallery en 1962. Le texte porte principalement sur deux œuvres, Première Salle du Musée (1959), Deuxième Salle du Musée (1960) qui présentent un « aveuglant labyrinthe de signes dont il n’existe pas de clé ». Claude Simon retrouve là sa propre conception : « Le langage n’est que fulguration, brève étincelle, bribes captées », c’est ce qui fait la vie, instable, surprenante, de la littérature.
Trente ans plus tard, Le Jardin des Plantes (1997), roman-portrait d’une mémoire, composé de fragments, convoque en leitmotiv les tableaux de Novelli, en particulier ARCHIVIO PER LA MEMORIA et A2. Claude Simon fait de Novelli un personnage de roman, le décrit d’abord en aventurier chercheur d’or, en « condottiere lombard », puis en « rescapé de l’enfer de Mathausen », fuyant les horreurs de « ladite civilisation » en Amérique latine, dans la forêt amazonienne où il étudie la musique de la langue indienne et recommence à partir « du « degré zéro » de tout ».
Surtout, Claude Simon donne au Jardin des Plantes la liberté et les audaces de Novelli, multipliant les montages de textes qui révèlent un langage intime : « l’alphabet des choses aimées ».